Littérature et roman national

La France entretient un rapport singulier à la littérature. Les étrangers ne s'y trompent pas en la considérant comme la patrie par excellence de la culture. « France, mère des arts, des armes et des lois » comme l'écrivait Joachim Du Bellay. Notre État, pendant toute sa longue histoire, – la plus longue de toutes –, s'est édifié par la volonté des rois capétiens et de l'Église bien sûr mais aussi avec le précieux concours des lettres.

C'est la France qui la première ressuscite à l'époque médiévale le vieux genre de l'épopée avec la merveilleuse Chanson de Roland qui fixe pour toujours l'image de la « douce France » et annexe la figure de Charlemagne au roman national. À la Renaissance, les poètes de la Pléiade proclament crânement que la langue française doit naturellement succéder au grec, au latin et à l'italien comme langue de la grande culture, au titre d'héritière de ces glorieuses devancières mais selon des modalités qui lui soient propres, l'imitation des Anciens ne devant jamais être servile.

Le fait que l'œuvre de la Pléiade soit contemporaine de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts par laquelle François Ier fait du français la seule langue officielle du royaume n'est pas fortuit mais révélateur de cette collaboration des rois et des écrivains dans l'édification de la civilisation nationale. Si la langue française est si belle mais aussi si difficile c'est parce que les doctes (littérateurs, académiciens, grammairiens, lexicographes) en ont fixé les règles et l'orthographe (plus savante et étymologique et donc moins phonétique que celle des autres langues latines) sous la protection et avec les encouragements de la monarchie.

La place des écrivains dans notre histoire ne cessera d'ailleurs jamais d'être centrale, du Grand siècle où l'ensemble des arts et lettres gravitent autour du roi-Soleil, jusqu'à l'époque contemporaine où la figure de l'Intellectuel, pour le meilleur mais aussi pour le pire (Maurras en a brillamment traité dans L'Avenir de l'Intelligence), jouit d'une importance et d'un prestige qui n'a pas d'équivalent au-delà de nos frontières.

Stéphane BLANCHONNET

Article paru sur a-rebours.fr et dans Le Bien Commun


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