La fabrique de la pensée unique

Récemment une chronique matinale sur RTL s'en prenait aux « médias alternatifs » accusés de manquer de déontologie et d'être sous influence : RT France pour avoir interviewé un gilet jaune sans préciser qu'il s'agissait d'un militant politique connu, Axel Rokvam, fondateur des Veilleurs, et pour être dans la main de Moscou ; et Le Média pour avoir rendu compte des événements de l'Arc de Triomphe d'une manière insolemment partisane, et être sous la coupe de Jean-Luc Mélenchon. Les reproches étaient au fond assez justifiés mais un média mainstream comme RTL serait-il de son côté nécessairement vacciné contre l'erreur, la manipulation ou le parti pris et serait-il plus indépendant que ses rivaux « alternatifs » ?

La litanie quotidienne des erreurs, des approximations, des diffamations, véhiculées par les « grands médias » ne laisse hélas aucun doute sur la première partie de la réponse ! Pour la seconde, le cas de RTL justement est édifiant et représentatif. La radio est la propriété, comme M6, du groupe allemand Bertelsmann, une des plus grandes entreprises de médias de la planète, qui se double d'une fondation du même nom, un influent think tank, dont les objectifs affichés sont notamment de promouvoir l'amitié euro-Atlantique et de soutenir par tous ses (énormes) moyens l'intégration européenne. Une infographie très diffusée sur la Toile, que l'on doit au Monde diplomatique, permet de constater plus généralement la dépendance de la plupart des médias du système à l'égard des grandes entreprises et des grandes fortunes.

Mais la fabrique de la pensée unique n'a pas seulement pour cause les pressions des propriétaires (ou des annonceurs publicitaires) mais aussi la sociologie des journalistes ou la médiocrité de leur travail. Un sondage avait montré en 2002 à quel point leur orientation politique était homogène : une écrasante majorité d'entre eux avait voté Jospin alors même que celui-ci réalisait le plus mauvais résultat d'un candidat du Parti socialiste à une élection présidentielle. Pour la médiocrité, il suffit de considérer comment un des principaux courants de pensée de la France depuis plus d'un siècle comme l'AF, est régulièrement qualifié de « groupuscule » par des plumitifs pas même capable semble-t-il de consulter un livre d'histoire ou de jeter un œil sur un article Wikipedia !

Faut-il pour autant voir dans les médias alternatifs la panacée ? En réalité ceux-ci valent moins par leur capacité à réinformer (ils n'ont pas toujours les moyens suffisants pour réaliser leurs propres investigations, encore que certains d'entre eux, comme TV Libertés, se développent et se professionnalisent très vite) ou par leur objectivité (ils assument très souvent et bien plus honnêtement que leurs rivaux mainstream d'avoir une ligne éditoriale militante) que par leur capacité à réintroduire un peu de pluralisme en tendant le micro à ceux que les autres médias préfèrent ignorer ou calomnier.

Stéphane BLANCHONNET

Article paru sur a-rebours.fr et dans Le Bien Commun

 


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